Alexandro Malaspina á Joseph Banks

Cadix, 20 Janvier 17891


    L'honneur que S. M. C. vient de m'accorder, me choisissant pour me mettre a la tête d'un voyage autour du monde, quoique très flateur pour moi, l'est encore plus d'abord qu'elle a voulu bien me permettre de m'adresser a vous mons.r, de même qu'a quelques autres savans de l'Europe, et avoir par ce moyen des nouvelles connoissances, qui raffermissent mes efforts sur toutes les branches dont elles sont susceptibles.

    S. M. n'avoit d'abord d'autre objet dans cette expédition, que le travail des cartes hidrografiques de ses côtes presques immenses de la mer du Sud et de l'archipel des Filipines; mais désirant ensuite de seconder les efforts des autres nations pour les progrès de la phisique et de l'histoire naturelle, de même que pour ceux de la géographie et de la navigation, elle s'est daignée de donner la plus grande étendue a ce voyage.

    Deux corvêtes construites exprès, qui seront sous voile vers le premier de juillet, des botanistes, des peintres, des excellens instruments, soit pour l'astronomie, et pour la géodesie, comme pour la phisique; la methode pour travailler aux cartes marines, que mr. Tofiño a usée pour les côtes d'Espagne et une partie des celles d'Afrique et le détail sur différentes matières: que S. E. brigadier Antonio Ulloa veut bien m'accorder presque journellement, tout me flatte mons.r, que vous ne dédaignerez pas d'y prendre part, et une part d'autant plus utile, qu'elle réfluera directement sur le coté le plus faible, celui de l'officier, qui s'en est chargé.

    Nous parcourirons la plus grande partie de l'Amérique Espagnole, les terres entre le Cap. Horn et Chiloe, une bonne partie des Isles de la mer Pacifique, les Marianes, les Carolines,2et les Philipines, et nous endresserons des cartes astronomiques, mais nos recherches pourroient pousser plus loin; elles pourroient suivre les traces, que les dernies voyageurs et particulièrement mrs Cook et Lapérouse, nous ont laissées: l'homme et la surface, qu'il habite pourroient subir un nouvel examen avec toute l'étendue, toute la philosophie et toute la verité que l'Europe doit exiger de cette espèce de voyages, peut être même, nous pourrions voir l'ensemble dans un plus grand jour, les comparations utiles, n'en seroient que plus éxactes, et par conséquent les systèmes plus affermis.

    De mon côté monsieur, et de celui des officiers qui ont l'amitié de me suivre, j'ose vous répondre égalment, et d'un ardent désir de coopérer aux progrès des sciences, et d'un éloignement entier, de tout ce qui pourroit nous égarer de la verité: nous préférirons toujour de dire plutôt de n'avoir pas assez vu que d'être accusés d'avoir mal vu.

    C'est d'après ces titres, d'après l'intérêt, que vous prenez aux sciences, et d'après l'amitié de mr. le marquis Gherardo Rangone, qui veut bien se charger de vous reccomander cette lettre, que j'ose monsieur, vous demander de m'indiquer les recherches soit phisiques, soit maritimes, que vous trouveriez le plus utiles dans cette espèce de voyage, nos efforts redoubleront avec un guide pareille, et rien ne pourra égaler ma reconnoissance, si ce n'est l'éstime, et l'attachement, avec lequel mns.r j'ai l'honneur d'être votre
 

Originale oggi disperso; copia in BL.  In APSF; Picanyol, pp. 40-41 esiste altra copia, diretta verosimilmente a Lalande.  Note di Dario Manfredi.  Text courtesy of Robert King.

2  Le Caroline rimarranno escluse dall'itinerario della spedizione.

 

Updated: June 5, 2018